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lundi 26 mars 2012

Théatre et comedien..

Tradition théâtrale et identité sénégalaises


Premier élève de l'école coloniale (pour avoir été la capitale de l'A.O.F. et abrité les quatre premières communes d'Afrique francophone, ses premiers députés noirs…), le Sénégal n'en est pas moins le plus soumis. Du point de vue religieux, linguistique comme culturel, il s'est toujours distingué par un souci de conserver des valeurs qui lui sont "propres". L'évolution du genre théâtral offre un bel exemple à ce titre. En effet, "Le Sénégal d'avant la colonisation a connu, comme le reste de l'Afrique, des formes d'expression dramatique, spectacles populaires destinés à un large public rural, où elles ont pris leurs racines. Puis, ce fut la rencontre avec l'école européenne et l'importation du modèle occidental. Depuis, au Sénégal, le théâtre est double: théâtre de langue française et théâtre dans les langues nationales" .
C'est ainsi que deux formes d'art théâtral s'y côtoient à compter de cette période. Distinctes dans leurs fondements comme dans leurs finalités aux débuts, elles tentent aujourd'hui de fusionner pour produire un genre total, provoquant des initiatives jeunes et personnelles. Mais remontons d'abord à la genèse.


Aux origines du théâtre traditionnel



Pour donner aux spectateurs, membres d'office de cet acte de théâtralisation, le sentiment de leur appartenance à une même entité, le spectacle traditionnel tente de restituer la vie dans ses dimensions avec les rires comme avec les pleurs.

Le sacré…

Au commencement était le verbe, puis le verbe sacré s'est fait chair:

Et verbum caro factum est.

Cette expression résume l'étroitesse de la relation entre la parole et le langage du corps. Des chants et des danses religieuses du paganus (ou piscator) naquit le premier geste théâtral. Que ce soit en Grèce antique ou en Afrique antécoloniale (ou antéislamique en ce qui concerne le Maghreb , de là sont sorties les premières tragédies.


Au Sénégal, on retrouve bien des équivalents de ces orgiaques grecques, ces bacchanales romaines, ces vaudous béninois ou brésiliens, chez les diola de la Casamance, les sérère de Sine-Saloum, les lebou (pourtant islamisés) de la Presqu'île du Cap-Vert (région de Dakar)… sous les appellations de kasimen, ndëp, etc.

Exactement comme dans "la danse du bouc", ces rites sont des séances d'exorcisme où il faut honorer ses Ancêtres, remercier les Esprits ou expier ses fautes. Chez les lebou, il peut y avoir une différence dans la forme selon le but : l'exorcisation passe par le ndëp mais les rites de remerciement se disent tuur ; les invocations à l'ouverture de l'hivernage sont appelées baawunan; le gumbe est pratiqué par les femmes des pêcheurs plus par réjouissance que par adoration. A l'occasion de chacun de ces rituels, les participants miment des scènes de la vie comme la naissance, le mariage, la mort etc., montrent leur dévouement, par des offrandes de volailles, de caprins ou de bovins selon ce qu'exigent les génies par l'entremise du Maître Officiant. Arrêtons-nous sur l'exemple du ndëp.

La cérémonie se tient en plein air autour d'un cercle de spectateurs et de badauds. Au centre se dresse le décor : autel des tuur (ici au sens de génies) avec vieux mortier, bout de pilon, calebasse de lait, cornes de bœuf ou de mouton, etc., le tout arrosé du sang des animaux sacrifiés pour la cause ; le possédé et certains membres de sa famille s'assoient tout près tandis que le guérisseur comme ses assistantes (souvent) sont debout dans leurs ndoket (sorte de robes amples qui vont avec un pagne) semblables et un corps bardé de gris-gris aux reins, aux bras et sur la tête. Les tam-tams débutent sur un rythme lent et bas avant de prendre leur envol. Nous sommes au cœur de l'action thérapeutique : la chanson-fétiche du malade, devenant plus audible, secoue d'abord son buste qui dandine assis, puis agite tout son corps en le rendant complètement autre. Lorsqu'il entre en transe et tombe, l'officiant doit exécuter un autre chant pour le relever. Mais celui-ci peut faire tomber d'autres membres de la communauté, parmi les assistants ou parmi le public, qui entrent à leur tour dans le ?jeu? , parfois pleurant, parfois criant, parfois riant. Certains tentent de fuir, les doigts dans les oreilles, en entendant le début de leur chanson-fétiche ou à l'approche du maître de cérémonie devenu entheos. Le spectacle prend fin quand tous reprennent leur sens et que le possédé est supposé exorcisé du rab, le démon qui l'habitait.


Mais ce psychodrame n'est pas le seul moment de théâtralité. Les travaux champêtres, la lutte, les veillées sont autant d'occasions pour apprécier les talents d'un one man show.




Et le comique



Les reins ceints de plus d'une dizaine de pagnes en lambeaux, le torse nu ou couvert d'un sous-vêtement, le lutteur exécute une sorte de danse du guerrier avant chaque combat pour intimider son adversaire. Il exhibe alors sa force physique en montrant ses biceps et brandissant son poing, en mimant chaque action du combat, de l'affrontement visuel jusqu'au geste de la victoire. Ce procédé est accompagné d'un chant qu'il déclame aux rythmes des tam-tams. Comme autrefois Achille "aux pieds légers", il y fait son propre éloge et énumère ses victoires passées en nommant ses victimes: le bak. Ses manifestations vantardes et poétiques du reste se déroulent en dehors de l'arène de combat, circulaire ici également .



Lors de la saison des pluies, passent dans les champs des comédiens itinérants (de village en village). Danseurs, chanteurs, poètes, ils viennent égayer et soutenir la morale des laboureurs. Ces laawaankat qui mélangent des versets du Coran dans leurs propres dires remplis d'imagination, ces mbandakat, bouffons du rire, ces taxuraankat, professsionnels de la danse et de l'improvisation poétique, étaient les dignes représentants de la comédie traditionnelle sénégalaise .

On peut ajouter à ce répertoire le simbakat (Faux-lion) et ses compagnons les seg (panthères) qui, déguisés en circonstance, doivent après, avoir entendu les djat (chant dompteur), exécuter les danses des animaux qu'ils simulent et aller à la chasse aux passants. Ceux-ci sont battus (juste pour froisser) et contraints à danser, chanter au milieu du public, … s'ils ne peuvent payer la participation ou dompter le lion.


Ces pratiques de domptage se voient chez les thiubbalo, pêcheurs pulaar du Fouta (Nord du Sénégal), réputés également pour leurs talents de griots. Ils réussissaient à ramener sur le rivage les caïmans et les lamantins uniquement par des incantations, sous l'œil hébété des spectateurs.


Terminons ce premier aspect de notre sujet par une remarque: toutes ces formes de théâtralisation existent encore au Sénégal, à l'exception peut-être des laawaan, mband et taxuraan, malgré la politique coloniale de les reléguer au rang de pratiques primitives ou de simples manifestations folkloriques et exotiques. C'est d'ailleurs ce qui a promulgué la création des spectacles de Ponty.

Le début glorieux


Fondé en 1965, le théâtre de Sorano est né dans le contexte du réveil et des prises de conscience nationalistes. En effet, les dernières années de Ponty ont vu un théâtre contestataire qui s'attaquaient à l'ordre colonial plus qu'aux mœurs traditionnelles, dont le Kotéba de Keïta Fodéba fut un pionnier. C'est l'époque de révoltes vers les indépendances où les rois résistants sont les héros symboliques des luttes de libération. La Mort du Damel (5) publié en 1947 fait de Lat Dior Diop un héros national pour avoir refusé jusqu'à ces Derniers jours que le chemin de fer traverse le royaume du Cayor (Cadior).

En 1955, Lamine Diakhaté réalise un long métrage Sarzan , adapté du conte éponyme de Birago Diop racontant l'histoire de Tiémoko Keïta qui, soldat revenu de la guerre, est investi par le Blanc d'aller "civiliser" son peuple. Il renonce à son nom, se fait appeler Sergent (Sarzan pour les autochtones) et détruit les mânes des Ancêtres.
Immédiatement sa raison s'en alla;et
Il fait des enfants la joie et la risée .

Interdit du "nom du père", symbole de respect et puissance de l'ordre sacré, il était devenu Sarzan-le-fou. Désormais, il est accepté comme tel et non comme un "authentique Keïta de Dougouba".

Mais c'est La fille des Dieux  d'Abdou Anta Kâ qui inaugure le T.N.D.S. en 1957, deux ans après sa publication.

Très vite la compagnie acquiert une grande notoriété, fait une tournée africaine et en Belgique, obtient le premier prix du Festival culturel panafricain d'Alger en 1969 pour la représentation de L'Exil d'Albouri  de Cheik Aliou Ndao. Cette pièce mise en scène en 1968 mais publiée en 1967, relate l'histoire du roi du Djolof (centre nord) qui a choisi d'abandonner son trône plutôt que de livrer son peuple à une guerre meurtrière. Le Fils de l'Almamy  qui le suit aborde la même thématique sous une vision différente: le roi de Guinée Samory, connu pour sa "tactique de la terre brûlée", comdamne à mort son fils dans un grenier fermé hermétiquement pour l'avoir trahi de retour d'Europe où il était parti apprendre l'art de la guerre des Blancs.

Un point de vue sur l'histoire que l'on peut lire dans Le Procès de Lat Dior  ou plus tard dans Chaka ou le roi visionnaire
Ainsi, ces années 70 verront beaucoup de scènes historiques représentées à Sorano, aussi bien sur des rois que des reines. Les Amazoulous Nder en flamme rendent hommage à l'héroïsme et aux sacrifices de ces dernières. Mais c'est dans la décennie suivante que le nombre d'auteurs se multiplie avec des thématiques variées.

Alioune Badara Bèye célèbre Le Sacre du cedo  comme C. A. Ndao, un an après, dans Du Sang pour un trône. Il y est question de la conquête du pouvoir et des croyances païennes au Cayor: une des reines décide de donner son sang aux Esprits des Ancêtres, conformément aux prédictions du sorcier royal (rôle tenu par Thierno Ndiaye Doss, Guelwaar dans le film eponyme de Sembène Ousmane), pour que l'héritier légitime garde le trône.

Cependant ce théâtre n'a pas fait que l'apologie d'un passé déchu. Il veut jouer un rôle politique et certaines de ses pièces sont de véritables satires sociales. Dans Le Procès de pilon ,Ousmane Goudian se souvient d'une pratique ancienne où le marabout est "capable" de dénicher un voleur par un simple pilon guidé par la force de ses litanies.

Mbaye Gana Kébé critique pour sa part ces députés et ministres qui abusent des biens du contribuable, trompent leur entourage avec mais courent chez les marabouts charlatans à la moindre menace d'être destitués par Le Décret présidentiel. Le personnage principal, Ibra Déguène, est interprété par Omar Seck, le "meilleur comédien" du festival de Namur de 1998 pour le rôle du chauffeur Rambo dans T.G.V., un film réalisé par Moussa Touré en 1997.

Adja, la militante du G.R.A.S.  (3e prix concours théâtral interafricain) dénigre aussi ces charlatans en même temps qu'elle jette un regard humoristique sur la "révolution féminine" que veut mener "l'adjaratou" (féminin de hadj) , "demi-illettrée et égarée en politique". Marouba Fall opte ici, comme nombre de dramaturges de son époque, pour une écriture novatrice en divisant ses pièces en visions ou tableaux, en parlant de rétrospectives ou d'évocations. D'ailleurs, c'est peut-être cela qui justifie qu'il soit, avec Cheik Aliou Ndao (le plus prolixe des écrivains dramaturges) les derniers survivants du théâtre historique sénégalais, aujourd'hui que la gloire du T.N.D.S. s'amenuise. Sa dernière pièce, Aliin Sitoyé Jaata ou la Dame de Kabrus, jouée en 1993 par la troupe d'art dramatique est une vraie hymne pour la paix en Casamance et un hommage à la femme du monde rural.

Toutefois, Sorano a révélé plusieurs artistes tels que Awa Sène Sarr, Serigne Ndiaye Gonzalès, Thierno Ndiaye Doss, Jacqueline Lemoine, Mor Bâ, Omar Seck, Joséphine Zambo, Pape Faye, Isseu Niang, etc. Mais le doyen est issu de Ponty: c'est Douta Seck, le roi Christophe de la tragédie de Césaire ,M. Médouze dans La Rue Cases Nègres, film adapté du roman de Joseph Zobel en 1974.

Victime d'une restriction budgétaire depuis ses débuts, du désengagement progressif de l'Etat (arrêt du recrutement et de la formation des comédiens du conservatoire), de sa popularité élitiste (cherté des entrées, choix de sujets peu captivants pour le grand public…), ce théâtre d'Etat tente de subsister à la concurrence des compagnies privées professionnelles ainsi qu'à la transmutation de ses acteurs.


Le théâtre populaire

Localement prononcé tiataar et annoncé dramatique par les téléspeakerines, ce théâtre est d'abord l'œuvre d'amateurs avant de devenir une véritable œuvre d'artistes.

Un théâtre amateur


Renvoyant d'une part au contraire de talentueux ou expérimenté, le terme peut prêter à équivoque. Et pour cause: comment un spectacle sans talent peut être aussi captivant au point de rendre désertes les rues chaque mardi soir de sa diffusion ? La raison est que d'autre part amateur rime avec passion. C'est de cela qu'il s'agit précisément. Le Sénégalais est passionné de rire, de fiction réaliste et de poésie. Bref, il aime se délecter du spectacle de la dure vie qu'il mène et dont il reste conscient tout de même. C'est ce que le théâtre populaire comprend et tente d'exprimer: le quotidien.

Indissociable des moyens audiovisuels qui l'ont révélé, ce téléâtre a pris forme avec des gens qui n'avait aucune formation de dramaturge au départ. C'est le cas de défunts Cheikh Tidiane Diop  et Abou Camara (l'imam dans Guelwaar), fondateurs respectifs des premières troupes Daraay Kocc et Diamoney Tey à la fin des années 70. Le premier est à l'initiative des premières dramatiques télévisées tandis que le second est le continuateur sur le petit écran des premiers sketches radiodiffusés, Caxaan faxe, créés par Abdoulaye Samb.

Les acteurs également n'avaient pas de formation littéraire ou artistique comme ceux de Sorano. Issus du "tas", ils sont pour la majorité illettrés de l'école française. Autrement dit, ils n'avaient que leurs savoirs - parler, dire, jouer, faire rire ou pleurer - à valoriser.

Plus tard, sera créé la troupe de Saint-Louis par Golbert Diagne (de son vrai prénom Alioune Badara), journaliste reporter alors à la station régionale de la RTS. Comme dans le cas de Diamoney Tey, les Saint-Louisiens n'apparaîtront à la télé qu'au début des années 90, après plus d'une décennie de radiodiffusion théâtrale. Et là, pareillement à leurs devanciers, leur coup d'essai aura une grande fortune. Si bien que le titre de la pièce jouée devient le nom du groupe Bara Yeggo, après deux suites.

Aujourd'hui de jeunes troupes talentueuses issues de la banlieue dakaroise et hors de la capitale se font remarquer. On peut citer entre autres Libidor de Pikine fondée par Malick Ndiaye en 1998, Jankeen de Thiès (1998) par Cheikh Seck, Thionk Essyl de Casamance…

Un autre critère d'amateurisme manifeste de ce théâtre est lié à l'onomastique. A ses débuts (et même maintenant pour les plus anciens), les acteurs conservaient leurs noms d'état civil sur scène. Le patronyme seul changeait par moments pour les besoins de la vraisemblance: un enfant porte le nom de son père au Sénégal.

Mais parallèlement à cela, certains acteurs marquent par leur premier rôle de sorte que les spectateurs ne retiennent plus que leur nom fictif dans la réalité, même s'ils incarnent d'autres personnages. C'est ainsi que par exemple les comédiens Oumar Bâ, Habib Diop et Ibrahima Mbodji de Daraay Kocc s'appellent pour tous les téléspectateurs Baye Peul, Baye Ely et Lamarana*.

D'ailleurs, cette remarque est aussi valable pour la dénomination des pièces. On retient plus facilement un passage amusant (ou non) que le titre réel d'une dramatique. Par exemple, la pièce de la troupe Jankeen de Thiès intitulé Firangué* (la jalousie) est mieux connue sous la détermination de "Babacar sa baaylaa" (Babacar, je suis ton père), en souvenir d'un morceau de vers de rap déclamé par un père de famille pour se mettre au même diapason que son buté de fils.
Une dernière raison est que ces acteurs ne recevaient pas de salaires en tant que tels mais plutôt des primes dont la régularité n'était pas garantie par la RTS avec qui leurs troupes avaient signé un contrat. C'est pourquoi actuellement elles tentent de conquérir le marché international avec les cassettes vidéo, les CD DVD et même Internet (ce qui n'est pas sans déplaire à la RTS), rivalisant ainsi de fécondités imaginatives et artistiques.


Thématique et créativité


Si le théâtre populaire est né au sein des médias, il n'en est pas moins le plus conservateur. A cheval entre l'actualité et la tradition, il intègre des modèles anciens et les transpose dans la scène du plateau télévisuel.
Opération xamb, l'une des premières pièces de la troupe Daraay Kocc, offre un bel exemple à ce titre. Bâti sur le modèle de Sarzan, elle est l'histoire d'un jeune agent des services d'hygiène qui, chargé par l'administration d'assainir les maisons des vieux quartiers de Dakar, décide de ne laisser aucun abri de microbes et de moustiques. C'est ainsi qu'il entre dans une maison de famille lebou et détruit tous les xamb, objets du coin sacré, malgré les insistances et les supplications de la gardienne de la tradition qui finit par tomber en transe. Mais malheur pour ce jeune intello qui a semé le vent, la tempête des Esprits ancestraux s'abat sur lui. En pleine nuit, il est réveillé par des cauchemars dont il devient malade dès le lendemain. Pour sa guérison, il devra subir le rituel du ndëp. Le rôle principal est interprété par Makhoureydia Gueye, l'oncle Ibrahima Dieng dans Le Mandat, film du roman (31)de Sembène Ousmane, le maire dans Hyènes (1992) du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty.
Une autre pièce mise en scène par la même troupe à l'époque est Lambji qui évoque l'escroquerie et la corruption qui ont gagné le milieu de la lutte traditionnelle. Babou Faye, un célèbre comédien national aussi, est un ancien lutteur qui prenait une paisible retraite dans son village natal lorsque des "promoteurs" viennent lui proposer de revenir dans l'arène afin de gagner plus d'argent que ne le lui permettent ces palissades et de prouver de la sorte son talent d'ancien "roi des arènes" devant ces jeunes de la ville. Un complot du ring dont il est la victime: un coup de poing suffit pour lui casser le bras. De retour chez lui sans la somme promise, il n'a plus la capacité de s'atteler à son activité de tressage qui était sa seule source de revenus. Cette critique est l'occasion de revisiter l'art et la beauté du sport spectacle qu'est la lutte sénégalaise.
Dans un troisième exemple c'est la figure du mbandakatt qui est mise au devant de la scène. Cette pièce éponyme de la troupe Daraay Kocc (2000) rappelle le succès de cet artiste danseur et poète auprès des femmes en milieu rural. Nous sommes ici loin des représentations dans les studios de télévision.
Déjà, dans les années 80, une pièce intitulée Xandju était réalisée entre cet espace rustique d'antan, plus éclaté, et les plateaux de la RTS. Très proche d'un conte populaire, cette pathétique histoire d'amitié entre deux jeunes filles à la moralité différente est interrompue par moments par le récital du poème de Birago Diop "Souffles",déclamé par Moustapha Diop, Aloïse,le fils boiteux de Guelwaar (Long Métrage de Sembène, 1992).
Pour boucler la boucle avec cette troupe, signalons qu'elle n'offre pas uniquement de découvrir des éléments de théâtralité traditionnelle. Le plus grand nombre de ses productions tourne autour des problèmes quotidiens des Sénégalais. Et pour ce faire, elle emprunte parfois à la littérature son propos.
C'est ainsi que Une si longue lettre  de Mariama Bâ est porté à l'écran sous la traduction de Bataxal. Dans cette adaptation, la polygamie est moins le sujet de la polémique que l'infidélité des hommes. Ce n'est pas la première ni la dernière. A voir Quatre vieillards dans le vent (1995).
Une autre transposition plus récente est la série Goor ak Djek, inspirée des bandes dessinées Goorgoorlu de T.T. Fonse dans Le Cafard libéré, hebdomadaire privé. Feuilleton à la Cosby Show, elle met en scène, chaque soir après le journal de 20 h., le train-train d'un père de famille à la recherche de la D.Q. (Dépense quotidienne), d'un mouton de Tabaski ou de quoi honorer ses dettes et celles de sa femme…
Ces sketches ou captations ne sont pas les premiers du genre. Teus-teus qui était à la une des spectacles télévisés avant parle de cette débrouille des chauffeurs et plantons (à l'exemple de Baye Peul et Makhoureydia Gueye) d'administration souvent mal payés.
Ibra Italien et Ibra Diplomate est une dyade satirique sur l'arrivisme des femmes sénégalaises (également des hommes) à la recherche d'un mari, plein aux as, Venant d'Italie (V.I.) ou d'ailleurs.
Voilà en gros quelques illustrations du répertoire inépuisable de la plus illustre troupe du théâtre populaire sénégalais.
On peut esquisser tout de même d'autres expériences comme celle Diamoney Tey, au palmarès aussi élogieux que celui de Daraay Kocc. Elle a adapté La Collégienne  de Marouba Fall, roman sur les relations entre professeurs et élèves.
Samba-ndar Coumba-ndar* est une pièce en deux épisodes de la troupe Bara Yëgo qui caricature la fierté Saint-Louisienne par le biais d'un père de famille révolté à l'idée de marier sa fille à un Dakarois. Une dramatique au sens hugolien du terme.
La troupe de Thiès Jankeen exprime elle aussi les particularités de sa région. C'est la vie des commerçants baol-baol ou cadior-cadior, aux prises avec les tracasseries de l'administration forestière, économique… Le directeur artistique a fait ses débuts dans le petit écran en jouant le rôle principal dans Wallu wa alaaxira, adapté du roman de l'écrivaine Aminata Sow Fall, Le Revenant .
Ce dernier exemple révèle la place importante des femmes dans ce théâtre. Rama Thiam, Dié Astou Diop, Ndèye Mour Ndiaye, Marie Madeleine Diallo sont entre autres célèbres noms d'actrices des "téléfilms" sénégalais, à la fonction didactique et dilettante incontestable. Tout en déplorant une tendance actuelle des jeunes réalisateurs ou metteurs en scène qui parodient des scénarios (de films) occidentaux  et un certain penchant commercialn, il faut admettre que le théâtre sénégalais suscite une vraie vocation.

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